Video Rental Store

Under New Management (Su-Ying Lee and Suzanne Carte)
avril 26, 2018 – juin 9, 2018

En arrivant à Hamilton en autobus la fin de semaine dernière, j’ai remarqué que seul club vidéo qui restait, Select Video, situé à l’intersection des rues Main et Queen, avait fermé ses portes. Pendant les années 90, j’y avais travaillé à temps partiel. Entourée de l’odeur de renfermé et de maïs soufflé ranci, j’y conseillais les clients; rassuraient les parents venus trouver le tout dernier film d’animation qu’ils voulaient présenter lors de l’anniversaire de leur tout petit; et vendait des gâteries aux couples venus choisir quelque chose question d’occuper leur samedi soir. C’était un commerce achalandé qui voyait des centaines de personnes franchir ses portes chaque jour, et qui était à la fois un lieu de divertissement et d’échanges pour la collectivité. Select Video, dernier des géants, est aujourd’hui un commerce de vapotage.

Under New Management, notre collectif de commissaires composé de Su-Ying Lee et Suzanne Carte, a décidé de ramener les beaux-jours des clubs vidéo. Nous vous invitons à profiter de la simplicité, de la facilité, et de la nostalgie associées à ces moments passés à flâner parmi les rayons des clubs vidéo avant de s’arrêter sur un choix. Mais le Club Vidéo d’Under New Management n’est pas typique. Au contraire! C’est une entreprise non commerciale qui ne propose que des vidéos d’artistes; qui fonctionne à partir d’une politique de location privilégiant l’absence de politique; et qui laisse au client le choix d’offrir, en guise de paiement, ce qui correspond à son appréciation de l’œuvre. Le Club Vidéo est un projet qui rassemble les caractéristiques d’un environnement commercial desservant une collectivité tout en défiant le rôle d’intermédiaire de la galerie qui circonscrit l’accès direct à l’art et aux artistes. La collection de vidéos est composée d’œuvres d’artistes obtenues par appel de propositions. Les « clients » paient ce qu’ils veulent en argent comptant ou en offrant un bien non monétaire comme une critique, un livre, un outil, un dessin, ou même une collation. Cette façon de faire invite le client à réfléchir sur la valeur de l’art et sur la façon de démontrer s’ils ont aimé, ou non, l’œuvre. L’argent comptant est évidemment accepté, mais nous encourageons le public à communiquer la valeur de façon plus réfléchie. C’est donc une forme expérimentale d’engagement qui est proposée, permettant aux artistes de recevoir la réaction du public directement. Le public à son tour, peut bénéficier d’un rare conduit aux artistes. De plus, les locations fonctionnent à partir d’un système de confiance qui retire toutes les barrières imposées par les frais d’adhésion, les consignes, et les politiques de retour. 

Il est évident aujourd’hui que le commerce de location de vidéo n’est plus un modèle rentable. Avec l’arrivée de Netflix, iTunes, Sur demande, DIRECTV et les nombreux sites de piratage de film, les commerces indépendants sont devenus pratiquement obsolètes. Lorsque les grandes chaînes comme Blockbuster ont fermé leurs portes, il n’a fallu que de quelque temps avant que les petites entreprises familiales connaissent le même sort. Plus tragique encore : la perte de clubs vidéo indépendants, offrant des films rares ou mythiques, des documentaires, des productions d’avant-garde et des films étrangers, autrement difficiles à trouver. Le Club vidéo d’Under New Management propose au public de visionner un type de contenu qui n’a rien de hollywoodien, n’y même n’y aspire. Notre collection, forte de plus de 250 films, propose une gamme de titres allant des courts-métrages expérimentaux à des longs-métrages non narratifs, et qui varient en genre du drame à la fantaisie, de la science-fiction à l’horreur, en passant par la comédie. On y retrouve même une petite section de films en format VHS.

Depuis les débuts du Club Vidéo en 2013, certaines choses ont changé. Aujourd’hui, le sentiment de perte mélancolique s’applique non seulement à l’expérience commerciale, mais également à la technologie. Le film en tant qu’objet n’existe plus. Plusieurs des artistes qui ont contribué à l’édition 2018 du Club Vidéo n’ont pas pu graver un CD à partir de leur ordinateur ni trouver un boitier format DVD. Afin de contrer ces empêchements, SAW Video à Ottawa, HAVN à Hamilton, Modern Fuel à Kingston, et l’Université de Syracuse à New York, ont tenu des séances de gravure de CD. Autre réalité, Honest Ed’s, ce commerce à rabais de Toronto a été démoli en 2017, au grand chagrin du public. On construira sur son emplacement, une tour de copropriétés. Honest Ed’s était connu pour ses rabais sur les épiceries et sur une gamme de produits pour la maison. On y appréciait également ses affiches, créées sur place par Doug Kerr et Wayne Reuben, artistes et employés. Pour rendre hommage à ce paradis des soldes, Lena Suksi a créé pour le Club Vidéo une affiche lumineuse qui rappelle notre passé récent avec nostalgie.  

Vous le voyez bien, toute entreprise commerciale comporte un risque et ceci est vrai de notre Club Vidéo. La stratégie opérationnelle du projet, à sa base, défie le succès commercial. Qui prend le risque ? D’abord, les artistes puisqu’ils courent la chance de ne pas revoir leur vidéo. Il est vrai qu’au cours des années, nous en avons perdu quelques-uns, mais nous en avons aussi gagné. Si une vidéo n’est pas rapportée avant la fermeture du club, nous ne pouvons savoir ce qui en est de sa circulation. De plus, cette location demeure impayée. Mais le public prend également un risque en rapportant à la maison une œuvre d’artiste. Le Club Vidéo n’offre aucune satisfaction immédiate. Le public nord-américain s’est habitué à visionner sans risque des films sur leurs appareils intelligents. Il faut donc se livrer à la chance lorsqu’on choisit un film au Club Vidéo et qu’on le visionne sur notre ordinateur ou même, mince!, sur un lecteur DVD. En vaudra-t-il la chance ? Satisfera-t-il nos attentes ? C’est sans contredit un risque.

Quant au commerce de vapotage à Hamilton, il faudra attendre pour voir s’il durera, ou si, comme les clubs vidéo, il disparaîtra à tout jamais. 

Merci aux artistes qui fournissent des œuvres au Club Vidéo et qui permettent au public de les visionner à la maison:

Alleyway A.G., Howard Adler, Jose Angeles, Maya Annik, Eric Archambault, Artlitwell, Rebecca Anweiler, Althea Balmes, Bambitchell, Perry Bard, Aleks Bartosik, Steve Basham, Sarah Beck, Ashley Bedet, Maya Ben Davis, Ashley Bedet, Simon Belleau, Nicholas Bierk, Charlotte Bloom, Amanda Boulos, Stephane Boutet, Theodore Boutet, Atana Bozdarov, Garrett Bryant, Guillermina Buzio, Pierre Chaumont, Millie Chen, Em Cheng, Emelie Chhangur, Michèle Pearson Clarke, Eva Colmers, collectif_fact, Eva Colmers, Claro Cosco, Department of Biological Flow, Michael Davidge, Robert Dayton, Sarah DiPaola, Ivana Dizdar, Zoran Dragelj, Daniel Dugas, Duke & Battersby, Kristina Durka, Megan Dyck, Caz Egelie, Clint Enns, Julianne Ess, Sky Fairchild-Waller, Fake Injury Party, Ashley Feldman, Suzanne Fish, Lisa Folkerson, Magill Foote, Fehn Foss, Barbara Fornssler, Sarah Fortais, Candy Renae Fox, Simon Frank, Kandis Freisen, Stephen Paul Fulton, Daniel Gallay, Catalina Giraldo, Dear Goldberg, Paul Gordon, Shlomi Greenspan, Keeley Haftner, Julie Ann Hall, Martin Hamblen, Emily Hamel, Ursula Handleigh, Sienna Hanshaw, Mike Hansen, Paul Harrison, Mathew Hayes, Annette Hegel, Saiful Wadud Helal, Rashsera:mi Henlock, Stefan Herda, Karen Hibbard, Tony Hill, David Hinsch, Grant Holt, Jim Hubbard, Candice Irwin, Meredith Jones, Shawn Olin Jordan, Felix Kalmenson, Abedar Kamgari, DB Kellam, Rabi Khan, Alison Kobayashi, Eva Kolcze, Lilly Koltun, Leo Koziol, Lamathailde, Toni Latour, Anastasia Lognova, Christopher Lacroix, Charlotte Lagro, Valerie LeBlanc, Renee Lear, Julie Lequin, Melanie Lowe, Alvin Luong, Duncan MacDonald, Logan MacDonald, Alexis Christine Maine, Dorica Manuel, Adrienne Marcus Raja, Lesley Marshall, Georgia Matthewson, Mani Mazinani, Arlin McFarlane, Francis Adair KcKenzie, Kristine Mifsud, Kesia Minda, Andres Miramontes, Luke Mistruzz, Matt Miwan, Gordon Monahan, Caroline Monnet, Didier Morelli, Lydia Moyer, John Monteith, Grey Muldoon, Ken Murphy, Chris Myhr, Daniel Nickel, Alison Postma, Midi Onodera, Sebastian Ignacio, Juan Ortiz-Apuy, Ryan Park, Jason Penney, Jocelyn Purdie, Sarah Pupo, Jai Arun Ravine, Richard Reeves, Iqrar Rizvi, Nicki Rolls, Kuk Del Rosario, Philip Rose, Jade Rude, Lyla Rye, Matthieu Sabourin, Nathan Saliwonchyk, Lydia Santia, Juli Saragoas, Liana Schmidt, Tiffany Schofield, Melinda Seville, Olivia Simpson, Timothy Smith, Tom Smith, Meredith Snider, sahra Soudi, Barbara Sternberg, Jordyn Stewart, Strangewaves, Maximilian Suillerot, Leslie Supnet, Maya Suess, Laura Taler, Aislinn Thomas, Julie Tucker, Polina Teif, Peter Von Tiesenhausen, Carolyn Tripp, Carmen Victor, Monica Victoria, vsvsvs, Lisa Anita Wegner, Ellen Wetmore, Elinor Whidden, Benita Whyte, Paul Wiersbinski, James Brendan Williams, Oauk Wiersbinski, Amy Wong, Damien Worth, b.h. Yael, Jessica Yeung, Yan Zhu, Robert Zverina… and many more!

 

Under New Management

Under New Management (UNM), formé de Suzanne Carte et Su-Ying Lee, est un collectif de commissaires productrices de biens culturels. Possédant chacune plus de quinze années d’expérience dans l’industrie des arts, Suzanne Carte et Su-Ying Lee ont lancé UNM afin d’aiguiller leur expertise et de questionner, à l’aide des notions de public, de lieu et d’espace, le rôle de l’artiste et celui du commissaire. Entité mobile, UNM réinvente les rôles et repousse les limites afin d’encourager la production et l’engagement. À partir de pratiques hybrides, UNM explore l’exposition expérimentale et ainsi examine la relation entre l’art et son vaste milieu. 

Suzanne Carte

Suzanne Carte est une commissaire primée et une productrice de biens culturels. Elle habite présentement à Toronto et travaille comme commissaire adjointe à l’Art Gallery of York University (AGYU) où, membre d’une équipe dynamique, elle produit des expositions et des programmes publics de qualité. En tant que commissaire autonome, elle a organisé des expositions tenues dans des endroits publics, des centres d’artistes et des galeries d’art publiques et commerciales, incluant You Cannot Kill What Is Already Dead, Video Rental Store, All Systems Go!, Under New Management, MOTEL et Man’s Ruin. Suzanne Carte a, auparavant, travaillé en programmation pour le rayonnement à la Blackwood Gallery et à l’Art Gallery of Mississauga, et en tant que coordinatrice en développement et programmes publics à l’Ontario Association of Art Galleries. On retrouve ses publications récentes dans le catalogue de l’exposition sur Meera Margaret Singh à la AGO, ainsi que dans Magenta Magazine, Art Writ, et le Huffington Post. Suzanne Carte est détentrice d’une maîtrise en histoire de l’art contemporain du Sotheby’s Art Institute à New York et un baccalauréat en beaux-arts de l’Université de Windsor. Elle est membre du Toronto Arts Council Leaders Lab 2017.

Su-Ying Lee

Su-Ying Lee habite à Toronto où elle est commissaire autonome. Ses projets ont été montrés partout au Canada et à Hong Kong. Elle a également travaillé comme commissaire adjointe au Museum of Contemporary Canadian Art (MOCCA); comme commissaire en résidence à la Justina M. Barnicke Gallery; et comme commissaire adjointe à l’Art Gallery of Mississauga. Su-Ying Lee privilégie souvent, dans sa pratique, les plateformes non conventionnelles afin de repousser les frontières de son domaine. Pour Su-Ying Lee, le commissaire joue un rôle à la fois d’acolyte, de complice, et d’agent actif. Elle est détentrice d’une maîtrise en études visuelles spécialisées en commissariat de l’Université de Toronto.